Mifune, Kyuzo (1883-1965) | |
Il a 13 ans lorsqu'il commence le jùdô.
Il rejoint le Kôdôkan
en 1903. En 1912, il était déjà un Rokudan (6e
dan) et un instructeur du Kôdôkan.
Il était incroyablement énergique et fini par parvenir à
la tête des instructeurs du Kôdôkan.
La vitesse avec laquelle il a maîtrisé les techniques du
Jùdô peut seulement être
comparé à la rapidité de sa promotion. En recevant
le 10e Dan le 25
mai 1945, il devint le 2e plus jeune homme à
obtenir le 10e dan,
grade qu'il gardera pendant presque 20 ans c'est à dire plus longtemps
de n'importe quel 10e dan.
Il était humble et permanent du groupe consultatif de dôjo
de Kôdôkan.
Il est l'auteur du "Canon
du Jùdô". En 1964 le gouvernement Japonais lui a attribué
l'honneur de l'ordre du soleil levant. Il fut la première personne
à être honorer de cette manière pendant sa vie. Avant
sa mort
le 27 janvier 1965, il était le seul 10e
Dan vivant dan dans le monde. |
Les principes du Jùdô de Kyuzo Mifune (1883-1965)
Les 5 principaux points
1 - Le doux contrôle le dur
2 - Frapper pour tuer (solutionner un problème par une seule frappe décisive)
3 - Ne jamais retenir (ne même pas tenter)
4 - Enter dans un état sans ego, sans esprit
5 - Ne pas se concentrer sur la recherche d'une technique secrète. Polissez
votre esprit par un entraînement sans fin ; c'est la clé des techniques
efficaces
Les 7 règles de pratique
1 - Ne sous-estimez pas un adversaire
2 - Ne perdez pas confiance
en vous
3 - Maintenez une bonne posture
4 - Développez la vitesse
5 - Projetez la puissance dans toutes les directions
6 - Ne jamais cesser l'entraînement
7 - Développez votre contrôle de soi
Salut
Taiso
Happo No Kuzushi
Te Waza :
Uki Otoshi
Tai Otoshi (V1)
Tai Otoshi (V2)
Yama Arashi
Seoi Nage (V1) (Morote Seoi Nage)
Seoi Nage (V2 ) (Ippon Seoi Nage)
Seoi Nage (V3) (Hidari Kakate Seoi
Nage)
Seoi Otoshi
Ganseki
Otoshi (parfois appelé Koga
Morote
Seoi Nage)
Sukui Nage
Obi
Otoshi
Morote Gari
Te Guruma (V1) (par devant)
Te Guruma (V2) (par derrière)
Kibisu Gaishi
Kata
Guruma (V1)
Kata
Guruma (V2) (jambe derrière)
Kata
Guruma (V3) (jambe derrière + saisie autre jambe)
Sumi Otoshi
Tama
Guruma (Kata Guruma avec barrage de bras)
Koshi Waza :
Uki Goshi
Koshi Guruma
Harai
Goshi (V1)
Harai
Goshi (V2) (Hidari Harai Goshi)
Tsuri Komi Goshi
(V1)
Tsuri Komi Goshi (V2) (Sode
Tsuri Komi Goshi)
O Goshi
Hane Goshi
Hane Makikomi
Soto Makikomi
Uchi Makikomi
Ushiro Goshi
Utsushi Goshi
Tobi
Goshi
Ushiro
Guruma
Ma Sutemi Waza :
Tomoe Nage
Sumi Gaeshi
Hikikomi Gaeshi
Tawara Gaeshi
Ura Nage (V1)
Ura Nage (V2) (Forme Ushiro Goshi)
Nage No Kata
Que à droite
Nage Ura No Kata
:
Uki Otoshi - Tai
Otoshi
Seoi Nage
- Yoko Guruma
Kata Guruma - Sumi
Gaeshi
Tai Otoshi - Ko
Tsuri Goshi
Obi Otoshi - Guruma
(Ashi guruma) (différence
avec Nage Ura No Kata)
Okuri Ashi Barai
- Tsubame Gaeshi
Ko Uchi Gari - Hiza
Guruma
O Uchi Gari - Tomoe
Nage (différence avec Nage
Ura No Kata)
Sasae Tsurikomi
Ashi - Sumi Otoshi
Uchi-mata - Tai
Otoshi
Hane Goshi - Kari
Kaesu (Nidan Ko Soto Gari) (différence avec Nage
Ura No Kata)
Harai Goshi - Ushiro
Goshi
Hane Goshi - Utsuri
Goshi
Uki Goshi - Yoko
Wakare
O Goshi - Ippon
Seoi (différence avec Nage
Ura No Kata)
Osae Komi Waza :
Gesa Gatame
Kuzure
Gesa Gatame
Ura Gesa (Makura
Gesa Gatame)
Ushiro
Gesa (Ushiro Gesa Gatame)
Kata Gatame
Kami Shiho Gatame
Kuzure Kami Shiho Gatame
Yoko Shiho Gatame
(V1)
Yoko Shiho Gatame
(V2) (bras sous les jambes et saisie bras)
Ura Gatame
(saisie un bras par les jambes et un bras par les bras en étant sur
le ventre sous Uke qui est sur le dos)
Tate Shiho Gatame
(V1) (Les deux bras sous les deux bras)
Tate Shiho Gatame
(V2) (Les deux bras sous un bras bras)
Tate Shiho Gatame
(V3) (Saisie d'un bras puis de la tête en passant son propre bras dans
le dos)
Kokoro No Jùdô
Ashi Waza :
De Ashi Harai
Ko Soto Gake
Ko Soto Gari
Ko Uchi Gari
(Forme Makikomi)
O Uchi Gari (Forme
Makikomi)
O Soto Gari (V1)
O Soto Gari (V2)
(en cercle)
O Soto Otoshi
O Soto Guruma (Ni
dan O Soto Gari)
Hiza Guruma (V1)
(Genou avancé)
Hiza Guruma (V2)
(Hidari Hiza Guruma)
Ashi Guruma (V1)
Ashi Guruma (V2)
(Hidari Ashi Guruma)
Sasae Tsurikomi
Ashi (V1)
Sasae Tsurikomi Ashi (V2)
(Hidari Sasae Tsurikomi Ashi)
Harai Tsurikomi Ashi
Okuri Ashi Harai
Tsubame Gaeshi
Uchi Mata (Koshi Uchi Mata)
O Guruma
Yoko Sutemi Waza :
Yoko Gake (V1)
Yoko Gake (V2) (Hidari
Yoko Gake)
Yoko Wakare (V1)
Yoko Wakare (V2)
(version ippon seoi)
Ude
Gaeshi (Yoko Wakare
en avançant)
Uki Waza (V1)
Uki Waza (V2) (Version
Jigotai)
Tani Otoshi
Yoko Otoshi
Yoko Guruma
Wakare (feinte de Ko
Uchi Gari puis Yoko
Wakare)
Shime Waza :
Kata Juji Shime
Gyaku Juji Jime
Nami Juji Jime
Ura
Juji Jime (Juji Jime en Kami
Shiho Gatame)
Hadaka Jime (V1) (Au
sol)
Hadaka Jime (V2) (Debout)
Kata Ha Jime
Ryote
Jime
Sode Guruma
Tsukomi Jime (saisie
revers debout puis tourner en se couchant sur le dos puis saisie cou avec jambe)
Tawara
Jime (Okuri Eri Jime
de face en passant par dessus la tête baissée)
Hasami
Jime (V1) (en dessous de Kami
Shiho Gatame)
Hasami
Jime (V2) (avec la jambe derrière)
Okuri Eri Jime
Kata Te Jime (en Ushiro
Gesa Gatame)
Kansetsu Waza :
Ude
Garami V1)
Ude
Garami V2) (en dessous de Yoko
Shiho Gatame sur bras saisissant la tête)
Ude
Garami V3) (en dessous de Yoko
Shiho Gatame sur bras saisissant la tête, bras dans son dos)
Ude
Garami V4) (Debout)
Jumonji
Gatame Ude Kujiki (Ude
Ushigi Juji Gatame en se couchant en arrère)
Ude
Gatame Ude Kujiki (V1) (Katame
No Kata)
Ude
Gatame Ude Kujiki (V2) (version Ude
Garami)
Ude
Gatame Ude Kujiki (V3) (version sans Sankaku
Jime derrière la tête couché sur le dos puis Ude
Garami)
Ude
Gatame Ude Kujiki (V4) (version Ude
Garami à gauche)
Hiza Gatame Ude Kujiki
Tachi
Ai Ude Kujiki (Hiza
Gatame sur le côté Uke
sur le ventre)
Tai
Gatame Ude Kujiki (V1) (Waki
Gatame en forme Gesa)
Tai
Gatame Ude Kujiki (V2) (saisie poignet Uke
à quatre pattes puis retournement de Tori
en Ushiro Gesa Gatame)
Kata
Osae Tai Gatame Ude Kujiki (retournement de coté de Uke,
Tori revient dessus en se glissant pour faire
Kami Shiho Gatame)
Aomukegata
Ude Kujiki (Sankaku
GatameUke entre les jambes
puis Jambe en Ude Ushigi
Juji Gatame)
Sankaku
Gatame Ude Kujiki (V1) (Sankaku
Gatame Uke entre les jambes
bras dessandant)
Sankaku
Gatame Ude Kujiki (V2) (Sankaku
Gatame Uke entre les jambes
bras montant)
Sankaku
Gatame Ude Kujiki (V3) (Sankaku
Gatame Uke entre les jambes
bras montant puis Jambe en Ude
Ushigi Juji Gatame)
Ashi
Garami
Ashi
Kujiki Kannuki Gatame (clé de mollet avec Uke
sur le ventre,
Tori à cheval sur le
dos face aux pieds)
Gesa
Gatame no Nige
Kata
Gatame no Nige
Okuri
Eri Jime no Nige (V1)
Okuri
Eri Jime no Nige (V2)
Jumonji
Gatame no Nige (V1)
Jumonji
Gatame no Nige (V2)
Sankaku
Gatame no Nige
Ashi
Garami no Fusegi (pousser cheville sur le torse)
Goshin Jutsu
https://www.youtube.com/watch?v=46veLgINFjU
TAI SABAKI
de Kyuzo Mifune (10e dan)
Conseils pour apprendre le Jùdô et l’art du « Tai sabaki ».
Ceux qui apprennent le jùdô,
ne doivent pas seulement entraîner leur corps, mais aussi cultiver leur
esprit, à travers la pratique de cet art de self-défense.
En bref ils doivent comprendre par leur propre expérience que le jùdô
est à la fois un principe moral et technique.
Je vais maintenant vous donner quelques vues qui peuvent vous être utiles pour apprendre le Jùdô. Vous ne devez pas être paresseux, fier, avide, préoccupé ou distrait ; en d’autres termes, vous devez être sincère. Ceci est le « Kokoro » ou l’essence du Jùdô.
Le mot japonais « Kokoro » signifie littéralement
« obtenir l’esprit », c'est-à-dire, cultiver et conserver
l’esprit qui n’est jamais troublé même dans un cas
d’urgence.
Ceci peut paraître personnel, mais cette vertu peut à la longue
affecter le pays d’un homme qui la possède ou ne la possède
pas.
« Kokoro » qui, en japonais, signifie l’esprit ou le centre, est le plus important dans tous les cas. Il existe naturellement et n’est pas « fabriqué » par l’homme. Il repose au centre, la place la plus importante. Le centre est l’endroit où le « Kokoro » demeure.
« Kokoro » par conséquent est le centre. Chaque chose a son centre. Sans « Kokoro » les choses n’existent pas.
Les choses sont « Utsuwa » ou vaisseaux, réceptacle dans
lequel « Kokoro » est déposé.
Quelquefois, l’humain est appelé « Utsuwa » parce qu’il
a un esprit en lui.
« Kokoro » ne se voit pas,
mais apparaît sous la forme de réceptacles. « Kokoro
» ou le centre des choses est « Michi
» qui signifie « route, chemin » ou « méthode
».
« Michi » apparaît sous
la forme de « Jutsu », l’art ou la technique.
Si vous suivez « Michi » et
si vous raffinez, polissez votre « Jutsu », le processus est tout
à fait naturel et de grands résultats sont obtenus.
« Jutsu » et « Michi »
marchent ensemble, c’est la loi de la nature.
Pour être sincère dans la vie humaine, l’on doit remplir les conditions dans tous les cas. Si l’art du Jùdô est pratiqué en tenant compte de ces principes de sincérité, le Jùdô ne pourra jamais être galvaudé.
Au contraire, si vous êtes esclaves de votre émotion,
et faites un mauvais usage du Jùdô,
vous serez accusé par le public et conséquemment vous disgracierez
le Jùdô.
C’est pourquoi les « conducteurs » du Jùdô
disent toujours « Être fort dans la technique du Jùdô
n’est pas suffisant ». Si la force est valable en Jùdô,
c’est parce que la force est basée sur la sincérité.
Les principales connaissances que nous pouvons acquérir par l’emploi
de nos yeux et de nos oreilles, ne descendent pas profond dans notre caractère.
La véritable compréhension est acquise seulement par la pratique.
Les mots qui parlent à travers l’expérience ont de la valeur.
C’est pourquoi les paroles de MYAMOTO
MUSASHI sont encore vivantes dans notre génération.
« Par la pratique du Jùdô,
l’homme peut trouver sa vérité propre ».
Je vais maintenant dire quelques mots sur les techniques du Jùdô
en insistant plus particulièrement sur « Tai
sabaki » qui est le fondamental pour toutes les techniques.
Les gens pensent généralement que « Tai
sabaki » signifie simplement « conduire le corps », mais
à mon avis, je pense que « Tai
sabaki » est un art consommé en lui-même.
« Tai sabaki » est le
mouvement fondamental pour marcher en avant, en arrière, etc, et qui
conserve notre corps tout entier en état d’équilibre.
Vous devez devenir maître de cet équilibre par une pratique constante,
et en faire usage si nécessaire.
« Tai sabaki » est tout
ce qu’il y a de plus naturel, par conséquent, un mouvement tout
à fait ordinaire, mais en lui repose le secret du Jùdô.
Si vous travaillez dur pour mouvoir votre corps avec rapidité, vous serez
capable de détourner les dangers et capable aussi de prendre l’initiative
à la fois dans l’attaque et dans la défense.
« Tai sabaki » ne doit
jamais être ignoré.
Du point de vue de l’application scientifique des principes du Jùdô,
le Jùdô peut être
appelé l’art du « HEN-O » ou du bon mouvement à
chaque instant.
Il est important de posséder ceci à l’esprit « HEN-O
» est l’état mobile de l’esprit lorsque l’ennemi
est près. Si vous manquez d’attention vous serez sûrement
battu. « Faites toujours face à votre ennemi, mais ne faites jamais
face à son attaque ». Ceci est le « HEN ».
Si vous n’êtes pas très vigilant, votre technique ne pourra
être exécutée avec succès.
Attaquez sans faiblir lorsque vous avez noté le moment pendant lequel
l’ennemi n’est plus sur ses gardes. Ceci est le « O ».
Dans le cas où des ennemis vous environnent de toutes parts, observez
celui qui est le plus près, et exécutez sur lui aussitôt
l’art qui vous est propre.
Ce « HEN » et ce « O », cependant, ne sont pas des techniques
séparées. La position de « HEN » en un instant en
celle de « O ». Les deux mouvements sont inséparables et
se répètent sans intervalle.
L’on doit dire que cet art du « HEN-O » est une variation
ou une application du « Tai sabaki » mentionné
plus haut. De façon à obtenir victoire, toute personne doit choisir
la meilleure méthode.
Jùdô signifie
employer la force de la pensée et du corps de la façon la plus
efficace. Il faut l’intention d’avoir le maximum d’effet par
le minimum de force. En d’autres termes nous pouvons dire : Jùdô,
c’est avoir une grande réserve de force.
Quand notre force est fixée à un point elle doit être aussi
ferme que le roc et quand le mouvement est porté, il doit être
aussi rapide que le vent. Si l’attaque de votre adversaire est rude, vous
la recevez mollement, et si un autre se déplace légèrement,
vous le traitez avec la même légèreté. Ainsi vous
vous adaptez à l’adversaire mais en le contrôlant, en réalité.
L’art du « Tai sabaki » est toujours nécessaire, non
seulement en apprenant le Jùdô
mais aussi dans notre vie. C’est la première et la dernière
marche du Jùdô.
TAI SABAKI a été publié en décembre
1950 dans la revue officielle du KDN
Publié sur stage jùdô le
7 septembre 2007
L’ART DU Jùdô
de Kyuzo Mifune (10e dan)
Sans aucun doute « l’art du Jùdô » compose la base du Jùdô. Le but de la pratique du Jùdô est le développement complet de trois éléments relatifs :
-la méthode de l’éducation physique,
-la méthode de faire un combat,
-et la méthode de purifier l’esprit.
Mais cette éducation physique, où a-t-elle trouvé son origine
et par quel moyen s’est-elle développée ? C’est par
l’art.
Parce que l’exercice de la technique devient par lui-même l’éducation
physique ; l’art occupe la position la plus importante en pratique du
Jùdô.
C’est pourquoi le maître doit rechercher l’art avec une ardeur
extrême et le transmettre.
En enseignant le Jùdô sans interruption,
j’ai été beaucoup intéressé par « l’art
» et je l’ai recherché de toutes les manières, en
imaginant l’aspect de cet art. Je suis arrivé à la conclusion
que l’art n’est pas du tout mystérieux, mais qu’il
est le plus ordinaire.
Quand un homme avance merveilleusement dans une technique, le monde l’appelle
« expert » et il applaudit son art comme extraordinaire.
Mais l’art est très ordinaire et ce sont les hommes qui ne le
comprennent pas qui sont extraordinaires. Je pense que toute chose extraordinaire
existe dans cet ordinaire.
Alors ici une question surgit : qu’est ce que l’ordinaire ?
Par ordinaire j’entends le plus légal, c'est-à-dire respecter,
se soumettre précisément à la loi en connaissant la cause
et l’effet.
Aussi on pourra dire que l’ordinaire signifie la légalité
et la rationalité.
L’art est acquis par l’exercice technique de la théorie,
recherchée rationnellement et scientifiquement.
On pourrait dire aussi que l’art est recherche de la vérité la plus directe exprimée dans le mouvement de l’homme. Ici le caractère psychologique le marque fortement. En tout cas, l’art doit être recherché scientifiquement et théoriquement jusqu’au bout et exercé avec le corps lui-même. En répétant cet exercice, on peut obtenir quelque chose de vénérable dans les deux domaines de l’esprit et du corps. Ce quelque chose de vénérable signifie au fond « se parfaire soi même ». Autrement dit, la recherche et l’exercice de l’art mènent directement au perfectionnement de soi même. On peut rendre service à la société ou à l’état comme un membre de cette société.De plus on peut contribuer beaucoup aux rapports internationaux.
C’est ainsi que l’art est extrêmêment important et sans lui le Jùdô n’a aucun sens. Chacun doit y songer en pratiquant.
L’art du Jùdô
a été publié en mai 1957 dans la revue officielle du KDN.
Publié sur stage jùdô
le 15 septembre 2007
Quintessence du
judo et zen
Je me suis, autrefois, trouvé confronté à la question de savoir ce que pouvait être la quintessence du judo. J’ai alors étudié l’histoire des anciens considérés comme des experts en budo et, qu’il s’agisse de Yagyu Tajima no Kami[1], qualifié de génie du sabre des temps pré-modernes, ou de Miyamoto Musashi[2], tous s’étaient nécessairement, pour pénétrer les arcanes du sabre, engagés dans la voie du zen. En somme, les anciens nous enseignent que, pour étudier le secret du budo, on doit rentrer dans le zen. C’est ce qui m’a poussé à frapper à sa porte. Mais, qu’il s’agisse de la voie du zen ou de la voie martiale[3], plus on progresse et plus ça se complique. Dans le zen, pénétrer les arcanes se dit ouvrir la compréhension[4]. Une fois maîtres, les moines subissent un entraînement sévère[5]. Alors, frappés, battus, ils reçoivent finalement l’authentification de leur éveil. Ce processus est absolument identique en kendo ou en judo. Qu’il s’agisse d’aller au bout de la compréhension dans le zen, ou de faire l’expérience de la quintessence en budo, tout part de la volonté d’appréhender la vérité de l’univers, la Nature. Et cette sagesse n’est rien si, sans se limiter à réfléchir ces principes intellectuellement, ils ne s’expriment pas en pratique. Que ce soit dans la pratique du zen ou l’entraînement de judo, il y a ce que l’on appelle « connaître par l’expérience »[6] ou suivre de soi-même les principes dans nos actes. Tentons d’illustrer cela. I. Se dresser dans la pire des situations Nombreux sont les aînés à pratiquer zazen. Et ce par ce que, si j’essaie de décrire ce qu’il se passe quand on s’assied en zazen, les émotions s’apaisent et il est possible d’atteindre un état d’ataraxie[7]. En conséquence, lorsque l’on regarde le style de pratique de zazen, il s’agit véritablement d’un état d’impotence. Si on se place du point de vue du combat, on est bien obligé de dire qu’il s’agit de la pire des situations. Si l’on veut frapper, on peut le faire à n’importe quel moment. Si l’on veut faire tomber en tirant, on peut aussi le faire à n’importe quel moment. Rien dans les mains, rien non plus pour se défendre. Et pourtant, on peut également dire qu’on ne peut imaginer de posture plus libre, meilleure. Mais pour atteindre cet état, il faut de la pratique. Pour trouver le meilleur de chemin au sein de cette posture d’impotence, de cette pire des situations, cela nécessite mortification. Quel que soit le chemin, endurer des souffrances est la voie ordinaire pour y réussir. C’est pourquoi on peut dire que le secret des principes militaires dépend entièrement de nos efforts. En judo, il y a l’entraînement d’été, il y a l’entraînement d’hiver[8]. Que l’on se dise que, parce qu’il fait chaud, ce n’est pas possible, ou que, parce que c’est tôt le matin, l’entraînement dans le froid ne me dit rien, et il n’est pas possible de progresser en judo. Le maître de zen Dogen[9] dit : « la démonstration est dans la pratique », et il nous faut savoir que le secret du judo aussi se trouve dans la pratique. En d’autres termes, chercher notre véritable moi au travers de la pratique, est le zen, est le judo. II. « L’harmonie » du thé, « l’adaptation » du judo[10] L’endroit où se pratique le zen est extraordinairement dépouillé et pur. Que ce soit dans les salles ou les couloirs, il n’y a rien. Les jardins sont couverts de sable blanc et ce sont des espaces sans la moindre poussière. Il y a un goût pour la nature, en toute simplicité[11]. Du fait de la pureté de cet environnement, aucune ombre ne peut y stagner. Il est tel le cours de l’eau. Comme la voie du thé est née du zen, la pièce de thé est, à l’instar du pavillon du zen, simple et pure. Il y a un jardin, des pas japonais, et l’espace entre les pierres est codifié. Tandis que l’on passe d’une pierre à une autre, on s’apaise. La formation de l’esprit ordinaire apparaît crue. Le corps comme l’esprit entiers y sont révélés. Dans la pièce de thé, la cérémonie se déroule conformément aux lois de la nature. Et c’est notamment la tranquillité « soucieuse d’harmonie » qui est valorisée dans cette voie. On a tendance à considérer le judo comme un art quelque peu violent mais, en réalité, c’est, ainsi que le signifient littéralement les caractères qui composent son appellation, une formidable voie souple et sans heurt. Peut-être devrait-on même le qualifier de zen statique[12]. Ou encore de zen dynamique qui maîtrise[13] les variations. Dans la voie de l’adaptation[14], comme les émotions s’apaisent, que l’on repose l’intellect, que l’on atteint un état d’ataraxie, il s’agit d’une situation de vacuité[15]. Et c’est pourquoi tout peut y entrer. La conclusion à laquelle je suis parvenu par l’expérience est que « le paroxysme de l’adaptation est le néant[16] ». Toutefois, dans ce cas, le néant pourrait être exprimé en d’autres termes par « le néant est l’étant »[17], « l’adaptation est néant »[18], et il s’agit de la vision du monde du judo. L’harmonie dont on parle dans la voie du thé est certes apaisement, mais l’adaptation du judo l’est tout autant. En somme, je pense que « l’harmonie » du sado, « l’adaptation » du judo, la « tranquillité du corps et de l’esprit » du zen, sont, au final, une même chose. III. Il n’est de judo en dehors de la voie de l’homme En judo, il existe des techniques violentes comme frapper, projeter, étrangler, etc. La subtilité[19] du judo réside en ce que ces techniques en apparence brutales se muent furtivement en une forme juste, splendide, magnifique, sans quoi que ce soit de forcé. Parvenu là, rien n’empêche d’affirmer que le judo également renferme des éléments religieux en grande quantité. C’est pour cela que le judo est qualifié de « voie ». Quand on me demande : « Pourquoi le judo s’appelle-t-il judo ?», je réponds aussitôt ceci : « C’est parce que le judo est la voie sans heurt conforme à la nature que l’homme arpente. » Alors, en général, les gens sont convaincus mais, parfois, certains prennent un air dubitatif. Et pourtant, puisque le judo fortifie l’esprit et le corps, la seule réponse possible est qu’il s’agit de la voie qu’arpente l’homme. D’un certain point de vue, la vie de l’homme est une vie exposée au danger. En conséquence, il faut s’efforcer de vivre en évitant les périls. Celui qui est rompu au judo, confronté un danger, peut l’étouffer dans l’œuf, transformer une grande difficulté en une petite, une petite en aucune. Par exemple, quelqu’un qui connaît le judo ne se blesse pas en tombant d’un escarpement. Ou encore, attaqué par des malfrats, il peut se défendre. Donc, le judo est une voie qui protège le corps, la voie que se doit d’arpenter l’homme. En outre, comme le judo est une voie qui forge l’esprit, on peut considérer qu’il ne se limite pas nécessairement à la technique elle-même. C’est quelque chose de beau que de faire ce qui est juste. Tout comme les gestes conforment aux principes sont beaux. Sans doute pouvons-nous dire que si l’on est parvenu à une posture juste, à des gestes conforment aux principes et jaillissant d’eux-mêmes, on est parvenu à la compréhension du judo. Le judo est quelque chose de tout ce qu’il y a de plus ordinaire mais, en certaines occasions, il dévoile un fonctionnement hors du commun. IV. Ne pas manquer l’entraînement, ne serait-ce qu’un jour Pour ma part, je considère qu’en judo, l’important c’est « l’ordinaire ». C’est pourquoi, à 73 ans aujourd’hui, je continue la pratique au Kodokan sans manquer un seul jour. Jeune, j’étais dissipé mais, à mesure des années, je suis devenu plus attentif à rechercher l’harmonie, que ce soit vis-à-vis du judo ou de l’environnement. En tant qu’individu, comme dans ma vie sociale ou familiale, je suis en quête d’harmonie. Le judo est le monde du mouvement. Et le foyer, celui de la tranquillité. En somme, on peut considérer le foyer et le judo comme étant dans une relation envers / endroit et, en ce qui me concerne, lorsque je rentre à la maison, je ne fais absolument rien de dynamique. Ma femme joue du koto et ma fille et du piano. C’est cela mon monde d’harmonie. Le chemin sans heurt du judo relève de la condition que le zen décrit comme « le cœur ordinaire, là est la voie »[20]. L’oiseau vole dans le ciel, mais aucune trace n’en témoigne. Le poisson nage dans l’eau, mais son trajet est imperceptible. Il en va de même en judo où, que l’on projette ou étrangle, cela ne laisse pas la moindre empreinte. C’est, sans intention et sans ego[21], dans cette absence de trace laissée, que se trouve la quintessence du judo. Les experts qualifiés de génies du sabre s’étaient tous engagés dans le zen. Cela permet de mesurer l’élévation de leur état spirituel, et nous laisse nostalgiques. Voici ce qu’il s’est passé tandis que je m’entretenais avec Maître Asahina Sogen[22], responsable de la branche Enkakuji de la secte Rinzai[23] à propos du texte intitulé « Le secret de la vie ». Maître Asahina est un personnage de tout premier plan dans le monde de la religion et d’éminemment célèbre en tant que maître d’une immense sagesse et magnanimité. Je dois d’abord dire que, de mon côté, plutôt que dans l’intention d’une conversation, c’est, ayant l’occasion de rencontrer une telle personne, avec l’idée malicieuse d’en retirer ne serait-ce qu’un infime élément, que je me rendis au lieu de rendez-vous, mais maître Asahina me dit : « Il en va de même pour la malice et je suis moi-même venu dans cette idée mais, si pour le commun des mortels on entre dans la vieillesse passé 70 ans, vous, vous êtes très jeune. Quoi qu’il en soit, vous me dites avec des détours que vous voulez recevoir mon enseignement du haut de mes 63 ans, que vous voulez m’entendre, et comme vous pensez que c’est là dévorer les bons côtés de la vie on y ajoutant du sel, vous êtes vraiment jeune. » Et, toute l’assistance d’éclater de rire. Pour ce qui est du zen, ça n’a été que propos signifiants plus appréciables les uns que les autres. Il me dit : « Dans le zen, on parle de non attachement[24] ou encore de non possession[25], qu’il n’est de lieu où demeurer, ou encore qu’il n’y a rien à posséder, ce qui, en d’autres termes, ne signifie pas que notre vie, sans encombre ni rapport à quoi que ce soit, doit être menée avec négligence et frivolité, sans attachement ni aux bons aspects, ni aux mauvais. Cela signifie que s’attacher à ce que l’on ne doit pas revient à faire inutilement de la vie une souffrance, qu’il y a tourment à vouloir demeurer en cette vie absolue qui ne saurait durer. L’enseignement du bouddhisme est la vérité de l’univers telle quelle, et non quelque chose qui aurait été confectionné par bouddha ou par les gens du zen. Il est la nature même. » Ce sens profond du zen, cette vérité dont on dit qu’elle se transmet à l’esprit au moyen d’un esprit zen[26] et qui ne saurait s’enseigner de père à fils, si on ne le recherche pas par soi-même on ne le comprend pas et, en somme, il est exactement semblable au caractère du zen[27]. Si je parle en me plaçant du côté du judo, il s’agit, en shizen hontai (sans garde) de répondre en fonction de l’intention du partenaire, en d’autres termes, du principe d’adaptabilité. Changer et s’adapter en lisant l’intention de l’autre, obtenir la victoire en rendant la force du partenaire inefficace, produire le plus grand effet avec le minimum de force ; ainsi, je pense qu’il faut atteindre l’état d’esprit de compréhension de la voie en polissant sans cesse la technique dans le but d’un développement harmonieux des trois méthodes que sont la méthode d’éducation physique, la méthode de formation de l’esprit et la méthode de combat qui forment l’objectif de la pratique du judo. Même faire tomber le partenaire ne saurait être fait en forçant. Cela doit être fait avec justesse, admirablement, et cela doit aussi être beau. C’est l’accomplissement du vrai, du bien, du beau[28] qui est le cœur de judo. C’est qu’il y a là, au travers de recherches scientifiques et, en se basant sur les principes de la nature, au travers du fait de les polir en les éprouvant physiquement, grands profits pour le corps et l’esprit associés. Lorsque l’on regarde ainsi, il me semble que l’on peut dire que le zen comme le judo sont tous deux une combinaison de repos et de mouvement. Le zen permet d’éprouver au moyen de zazen, situation de pratique statique, l’illumination cérébrale et, en judo, par le randori, situation dynamique, l’esprit s’éduque au cœur de mouvements instantanés. Pour ce qui est du résultat, le summum du judo comme le summum du zen, ne seraient-ils pas les mêmes ? Finalement, le zen comme judo sont la vérité même, l’image même de la nature. Le principe de la nature n’est en rien compliqué, et c’est même quelque chose d’extrêmement ordinaire. Par exemple, si vous écartez les bras à 180°, chacun forme avec l’axe vertical du corps un angle de 90° et il est naturel, avec la main droite, d’aller côté droit mais, si je voulais avec cette main aller plus à gauche que le devant de mon corps, cela me serait impossible. Il est naturel de mouvoir sa main droite à l’intérieur des 90° côté droit mais, comme il est impossible d’en faire de même dans les 90° côté gauche, il convient alors, dans ce cas, d’utiliser la main gauche. C’est là ce qu’on appelle un principe scientifique régulier. En judo, comme ce qui a ardemment été éprouvé en se basant sur des recherches scientifiques est devenu technique et qu’il s’agit de comprendre la voie au travers de ces techniques, si on ne la découvre pas alors même qu’on nous dit qu’elle est proche, c’est que, dans l’ignorance de quelque chose, nous sommes incapables de ressentir même un principe naturel qui nous entoure. Je suis persuadé que si, nous qui sommes blottis au cœur de la Nature, nous nous efforçons de rechercher la vérité, non en nous focalisant vainement sur de petits riens mais en ouvrant grand notre champ de vision sur ce monde naturel, un jour viendra où nous finirons nécessairement par en appréhender ne serait-ce qu’une infime part. [1] Yagyu Tajima no Kami (1571-1646), plus connu sous le nom de Yagyu Munenori, de la Yagyu Shinkage-ryu, maître de sabre des trois premiers shôgun Tokugawa et auteur du Heiho kadensho (1632), Traité de transmission des stratèges militaires. [2] Miyamoto Musashi (1584 -1645), fondateur de l’école de sabre Niten ichi ryû et auteur du Gorin no sho, Traité des cinq roues (1645). [3] L’auteur met en parallèle zendo et budo, d’où ce choix de traduction. [4] Satori o hiraku. [5] « Entraînement sévère » traduit ici kentsui, litt : « tenailles et marteau », qui désigne dans le bouddhisme l’enseignement sévère que le maître fait subir au disciple. [6] L’expression japonaise est reidan jichi, litt. « savoir de soi-même si c’est froid ou chaud », avec l’idée que c’est en goûtant qu’on en a le savoir direct. [7] Muga, litt. : « non soi / sans ego ». [8] Entraînement d’été, shochukeiko, litt. « entraînement dans la chaleur » et kangeiko, litt. « entraînement [dans le] froid », se tenant respectivement au début d’août et au début de janvier. [9] Dogen (1200-1253) fondateur au Japon de la secte zen Soto (Soto shu), un des deux principaux courants du zen. [10] « harmonie » traduit ici wakei et « adaptation », jukei, c’est l’idée de respecter. Donc, wakei / jukei, « respecter / accorder de l’importance au wa [harmonie] / au ju [adaptation / souplesse] ». Si jukei n’existe pas en soi, wakei est la première partie d’une expression très utilisée dans l’art du thé, sado, wakei seijaku, dont Sen no Rikyu (1522-1591), qui en a formalisé la cérémonie, disait qu’elle exprimait l’esprit du thé. Toutefois, dans ce cas, les quatre caractères sont à prendre indépendamment come formant quatre règles / critères : « harmonie », « respect », « pureté / simplicité », « sabi, charme, sentiment de paix » [11] Mushin ni shite fugetsu ni tai suru omomuki, « un attrait naïf / innocent / sans intention pour le vent et la lune ». [12] Le terme utilisé est seiteki, litt. « statique / tranquille / calme ». Mais, compte tenu du sens de la phrase et de la suite du texte, il s’agit vraisemblablement d’une erreur de caractère et il est fort probable, qu’au contraire, l’auteur voulait écrire doteki, litt. « dynamique / mobile / en mouvement ». [13] « maîtriser », pour kiwameru, litt. « pénétrer les arcanes / aller au bout » [14] « adaptation » pour le ju de judo. Ici, ju no michi, « la voie du ju ». [15] Ku, litt. « vide ». [16] Mu, litt. « rien / non existant ». [17] Mu soku yu, où yu, litt. « ce qui est, existe » est le contraire de mu : « mu revient à yu ». [18] Ju soku mu, « ju revient à mu ». [19] Myomi, litt. « la saveur subtile ». [20] « cœur ordinaire », heijoshin, « l’humeur habituelle, normale ». [21] « sans intention et sans ego », mushin muga, litt. « sans cœur / sentiments et sans “moi” ». [22] Asahina Sogen (1891-1979). [23] Rinzai shu, le second des deux grands courants du zen au Japon. [24] Mushuchaku. [25] Mushoyu. [26] Zen no shin [kokoro] o motte shin [kokoro] ni tsutaeru, « transmettre au cœur / à l’esprit / à l’âme par un cœur zen ». [27] Sans doute une erreur à nouveau, et certainement que l’auteur ne voulait pas écrire « zen » mais « judo ». [28] Shinzenbi, « le vrai (shin) de la connaissance, le bien (zen) de l’éthique, le beau (bi) de l’esthétique ». Désigne l’idéal humain à valeur universelle auquel l’homme doit aspirer. A noter que le zen est celui de la formule seiryoku zen.yo, « bonne utilisation de l’énergie » de Kano Jigoro (1860-1938). |
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manière suivante : |
Biographie
Kyuzo Mifune est né le 21 Avril 1883 et mort le 27 janvier 1965. Il est considéré par beaucoup comme le plus grand technicien de jùdô. Il était 10e dan.
Sa jeunesse
Kyuzo Mifune est né un an après la fondation du Kôdôkan, dans
la préfecture d'Iwate sur l’île d’Honshu au Japon le
21 avril 1883. Enfant, il est incorrigible. Toujours en train de préparer
une bêtise, il entraîne même ses amis dans ses espiègleries.
Il est aussi brillant qu’insolent. Son père, très strict
en matière d’éducation, perd tout espoir de remettre le
plus jeune de ses sept enfants dans le droit chemin. À l’âge
de 13 ans, il décide de l’envoyer en pension au lycée de
Sendai dans le nord du Japon. C’est là que Mifune découvre
le jùdô et décide de
s’y consacrer. À 14 ans, lors d’un tournoi contre un autre
lycée, il remporte neuf victoires consécutives.
Après l’obtention de son diplôme, il part à Tokyo et rentre en école préparatoire pour être accepté à l’université de Waseda. Mais il n’a qu’une idée en tête, rentrer au Kôdôkan. À cette époque, il n’y a qu’un seul moyen de rentrer dans cette école prestigieuse : obtenir un entretien avec son fondateur Jigoro Kano sur recommandation d’un jùdôka haut gradé et signer le serment de sang. Mifune ne connaît personne au Kôdôkan. Pour le présenter, il choisit alors Sakujiro Yokoyama, un jùdôka qui a une redoutable réputation. Surnommé « le démon de Yokoyama », sa technique rapide et puissante contribue à la renommée du Kôdôkan. Pour faire entendre sa requête, Mifune campe littéralement sur le seuil de Yokoyama. Celui-ci finit par accepter et parle de cet élève obstiné à Jigoro Kano.
Mifune rejoint le Kôdôkan en juin 1903, il est alors âgé de vingt ans. Deux ans plus tard, son père s’aperçoit qu’il passe plus de temps à faire du jùdô qu’à étudier et lui coupe les vivres. Mifune se met donc à la recherche d’un travail. Il décide de créer son journal et sa petite entreprise prospère grâce à la vente d’espace publicitaire. Après avoir fait d’importants profits, il rentre à l’université de Keio pour suivre des cours d’économie.
Le technicien
Mifune devient ceinture noire 1er dan (shodan) en quinze mois et il ne lui faut
que quatre mois pour devenir 2e dan (nidan). Très rapidement, Mifune
se forge une solide réputation. Il n’a jamais été
vaincu au tournoi annuel du Kôdôkan appelé « le tournoi rouge et
blanc ». Un peu avant 1912, il est 6e dan et professeur de jùdô.
Il est déjà surnommé « le dieu du jùdô
». À trente ans, son père lui trouve une épouse comme
le veut la tradition japonaise. Mifune qui n’est revenu qu’une seule
fois dans sa région natale depuis qu’il l’a quittée,
y revient pour s’y marier. Durant les vingt années qui suivent,
sa réputation du jùdôka ne cesse de grandir. À quarante
ans Mifune relève un défi, celui de battre un lutteur de sumo
de 1,83 m et 108 kg alors que lui ne fait que 1,58 m et 45 kg. Il terrasse son
adversaire en le plaquant au sol avec son spécial uki-otochi.
En 1937, Jigoro Kano l’élève au 9e dan (kudan).
À la mort de ce dernier en 1938, Mifune devient le professeur le plus influent du Kôdôkan. Les étudiants se plaignent qu’il s’emporte facilement pendant les cours, il est plus craint qu’aimé.
Il atteint le 10e dan (judan) le 25 mai 1945, c’est le quatrième jùdôka à en être honoré.
Mifune est un homme qui ne fait pas d’excès, il mange avec modération, dort sur un lit de style occidental et ne fume pas.
En 1956, il écrit un livre, devenu un classique en matière de jùdô : The Canon of Jùdô qui étudie ce sport aux niveaux historique, philosophique et technique. Dans la préface du livre, écrit par E. J. Harisson on peut lire que la base de la philosophie de Mifune est : « la liberté dans le changement continu ».
L'influence de Mifune sur le jùdô d’après-guerre ne doit pas être sous-estimée. Son habileté était peut-être la plus élégante jamais vue au Kôdôkan. Son jùdô dynamique et limpide était une base naturelle pour le développement explosif du jùdô sportif dans le monde entier. Trevor Leggett qui fréquenta le Kôdôkan pendant de nombreuses années remarqua que le jùdô était « beaucoup plus lourd » au Kôdôkan avant la deuxième guerre mondiale qu'après. C'était, sûrement, l'influence de Mifune…
En 1964, Mifune participe aux jeux olympiques de Tokyo en tant qu’organisateur, malgré le fait qu’on lui ait diagnostiqué un cancer de la gorge. En décembre de cette année, il entre à l’hôpital et y meurt le 27 janvier 1965 à quatre-vingt-un ans. Au moment de sa mort, il était le dernier Judan (10e dan) du Kôdôkan.
Développement du jùdô
La Seconde Guerre mondiale fut un grand tournant pour le Kôdôkan Jùdô.
La mort de Jigoro Kano avant
la guerre, la capitulation japonaise, l'occupation après-guerre et l'interdiction
des arts martiaux ont contribué à une période d'incertitude
dans le jùdô au Japon. La réapparition
du Kôdôkan après la guerre a été due principalement à
deux personnes : Kyuzo Mifune et le Général Curtis LeMay de l'US
Air Force.
Curtis LeMay, plus tard directeur du "Strategic Air Command", et adjoint au général MacArthur pendant l'occupation américaine du Japon, fait pratiquer au Kôdôkan a routine part of Air Force tours of duty in Japan, et beaucoup d'Américains rapportent chez eux des histoires de ce petit vieil homme, projetant des jeunes hommes sans effort apparent.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kyuzo_Mifune
Mifune Kyûzô, l’esprit et… le corps ! (photo : Claude Thibault, Vérités sur le jùdô japonais, Jùdô International, Paris, 1963) Mifune Kyûzô (1883-1965), « L’homme que l’on appelait la divinité du jùdô» (pour reprendre le titre du livre de Shimazu Yoshitada, cf. sources ci-dessous), 10e dan du Kôdôkan, est, pour beaucoup de jùdôkas de par le monde, ce vieil homme chétif, ballotté par ses partenaires de randori et qui, sur une reprise d’opportunité, projette les 8e dan aussi facilement que des benjamins (ici ou ici). Un corps si diaphane qu’il en paraît absent : une technique pure… Si pure que l’on parle volontiers, pour définir son jùdô, de shingi (technique divine) [cf, par exemple, ??????], et que son « spécial » (enfin… un de ses « spéciaux » !) est Kûki Nage ??? (projection aérienne*) : (Timbre commémoratif des Championnats du monde 1956 représentant Mifune Kyûzô exécutant kûki nage) Prodige du jùdô, dont Wikipedia Japon ou le site du Musée Mifune nous apprennent (sans malheureusement proposer de sources) que l’on disait « Kanô pour la théorie, Mifune pour son application », il commence le jùdô au Kôdôkan à 20 ans, en juillet 1903, pour connaître une progression fulgurante : 1er dan en octobre de l’année suivante, 2e en février 1905, 3e en 1906, 4e dan en 1907, 5e en 1909… Puis 6e en 1917, 7e en 1923, 8e en 1931. Il sera 9e dan en décembre 1937, du vivant de Kanô donc, puis 10e dan en mai 1945. Alors, Mifune Kyûzô, pur esprit ? Mifune Kyûzô nous a légué cette image d’une forme idéale du jùdô. Il a également laissé des témoignages écrits, dont les plus célèbres sont sans conteste : Jûdô kaikoroku ????? (Recueil de souvenirs sur le jûdô), 1953 : Dô to jutsu jûdô kyôten, 1954, mieux connu en Occident sous son titre anglais, Canon of jùdô, 1956 :
Mais, on le sait moins, il a également laissé traces d’un physique très éloigné de l’image que l’on a de lui. Ainsi : En juillet 1907, à 24
ans : (Mifune à gauche, source image) Ou encore, à 37 ans, en août 1920 : (Mifune est le n°5 – Source : Revue Yûkô no katsudô, « près du puits après l’entraînement [d’été, shochû keiko] ») Ou comme en témoigne encore le buste qui orne
le hall d’entrée du Musée
Mifune 10e dan œuvre d’Itsutsuji Tsutomu ??? représentant
Mifune jeune : Comme quoi, la dissolution du corps dans la technique, ça se travaille en amont ! * Kûki nage dont le Jûdô daijiten (Grand dictionnaire du jûdô, Atene shobô, Tôkyô 1999, p. 128) nous rappelle qu’il ne s’agit pas d’un nom de technique officiel mais du surnom du spécial de Mifune, technique située entre sumi otoshi et uki otoshi. Shimazu Yoshitada, : (L’homme que l’on appelait la divinité du jùdô : Mifune Kyûzô, 10e dan, qui a créé Kûki nage) . Tôkyô, PHP kenkyûsho, sept 2013, 347 p. |